Entrer dans l’univers d’Evor est comme pénétrer dans l’atelier d’un alchimiste qui se serait donné en partie le nom de son métal le plus désiré, l’or. Dans cette obsession de transmutation de la matière vile en la plus précieuse, Evor récolte, collectionne puis transforme. Documentant le monde dans ses carnets où sont classés méthodiquement des images de magazines de mode, de décoration, d’art... Evor cherche et inventorie les motifs, les couleurs, les textures et les formes produites aussi bien par la nature que par l’homme. De ce fond inépuisable, il produit dessins, peintures et sculptures qui évoquent la répétition de cristaux, la cristation de végétaux, la torsion de coquillage, la formation de chrysalide... Qu’elles soient en plâtre, en céramique, en métal, en verre, en textile, qu’elles soient teintées d’encre aux reflets nacrés, percées de clous, chromées, ou parées de plumes, les sculptures énigmatiques d’Evor dont les gestes répétitifs et longs peuvent parfois s’apparenter
À ceux d’un artisan d’art, allient finesse et simplicité, épure et bizarrerie, sensualité et mystère. Tels les ex-voto d’un animiste qui convoquerait les esprits, ses œuvres, dans leur multiplicité et leur originalité, font l’alliance d’un monde végétal et minéral. Par des moyens toujours simples, en préparant ses propres mixtures pour faire réagir la matière, evor assemble, détourne et modifie des objets pauvres et sans valeur qu’il métamorphose en objets hybrides dont eux seuls connaissent les secrets de cette mythologie extravagante !
Evor vit à Nantes depuis son entrée à l’École des beaux-arts en 1994. Depuis son installation dans un immeuble non loin de la place du Bouffay, sa passion dévorante pour les plantes l’a amené à créer, dans une cour minuscule d’un passage privé, un jardin suspendu nommée Jungle intérieure, petite merveille végétale dont il prend soin quotidiennement et devenue étape permanente du parcours urbain.
Pour le boulevard de la Prairie-au-duc, au milieu des grands immeubles de ce quartier en pleine mutation, Evor a imaginé planter un arbre remarquable qui, de ses 20 mètres de hauteur, surgit et se confronte aux nouvelles constructions de la pointe ouest de l’île de Nantes. Ce métaséquoia, appelé aussi « sapin d’eau », est un arbre chinois redécouvert en 1940 alors qu’on le pensait disparu, ne connaissant de lui que ses traces fossiles. Il est un des rares conifères caducs : après une flamboyance de jaunes dorés, d’orangés et de rouges cuivrés à l’automne, il perd toutes ses feuilles en hiver, pour les retrouver dans des tons vert acidulé au printemps. Gigantesque et majestueux, résistant et à la croissance rapide, il agit comme un signal dans la ville hyper construite et rappelle que la présence du végétal est nécessaire. Comme sur les anciennes places de village, où l’arbre est la figure centrale et protectrice qui retient les secrets de plusieurs générations, il est ici entouré d’un immense anneau qui le protège et affirme sa présence comme un trésor à défendre.
À l’échelle du site, le gigantesque psellion (bracelet antique) a sa surface émaillée d’un vert profond et incrustée de médaillons de céramique laissant apparaître des empreintes évoquant un phénomène de fossilisation végétale. En son centre, farfugium, prêles et autres joncs colonisent l’espace au pied de l’arbre. Entre artefact et phénomène naturel, l’œuvre s’envisage comme un « refuge sensoriel » où, assis, les habitants et les passants profitent d’une modeste résurgence de la nature et découvrent un nouveau point de vue sur la ville avec, en arrière-plan, le carrousel des Mondes marins et l’église Notre-Dame-de-Bon-Port.
Du même artiste, "Jungle Intérieure" (passage Bouchaud).
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