Édition 2020, Œuvre permanente
DE L'ART DES ENSEIGNES
Le Géant de Nantes
ÉRIC CROES

En proposant à des commerçants de laisser des artistes réinterpréter leur enseigne, le Voyage à Nantes implique dans une démarche créative ces acteurs essentiels de la cité. Une trentaine d’enseignes ont été installées définitivement en cœur de ville depuis 2014.

Éric Croes est sculpteur. A la célèbre école de La Cambre à Bruxelles, il se forme à la sculpture de 1997 à 2003, puis à la céramique au cours du soir de l’académie d’Etterbeek de 2010 à 2014. La céramique est son médium de prédilection qui synthétise son goût de sculpteur pour une matière à modeler, expérimenter, tenter de contrôler, transformer. Les objets hybrides qu’il crée naissent de contes et légendes, de cadavres exquis réalisés à quatre mains, de la culture populaire, de l’art brut ou tribal, de souvenirs de passions enfantines pour les herbiers, les collections de cailloux, les peaux d’animaux, etc. S’inspirant d’objets découverts dans des musées archéologiques : lampes à huile, statues votives romaines, vases, pots,…ses créations détournent aussi avec humour la production croissante d’objets décoratifs en tout genre créés par des apprentis céramistes d’un jour ou de toujours.

Narratives, ludiques, nostalgiques mais parfois inquiétantes, ses créations semblent issues d’un univers fabuleux à la fonction cultuelle ou magique : arbres totems surmontés de masques, pattes d’ours, bâton de sorcier, animaux. L’esthétique et la technique de ses œuvres oscillent entre primitivisme et virtuosité, des matières d’une grande richesse texturée et colorée et des formes débordantes, superposées, enchevêtrées.

Pour la chapellerie Falbalas Saint-Junien, Eric Croes joue avec l’identité de la boutique, son histoire, son charme et sa situation. Il la dote d’une nouvelle effigie, un géant bienfaiteur au couvre-chef grandiloquent. Placé au coin de la rue, ce « bon génie » paré de ses multiples « grigris » a vocation à protéger la boutique et les rues environnantes. On y trouve notamment une queue de castor, référence au premier nom de la boutique fondée en 1803 sous le nom de « Au vrai castor » – un vestige représentant un castor existe d’ailleurs dans un recoin discret de la façade.

Éric Croes multiplie également les références à Nantes et à ses symboles maritimes : une symbolique clé contemporaine de la Ville, le trident de Neptune se référençant à la célèbre devise nantaise « Neptune favorise ceux qui voyagent », une ancre, une sirène ou une coquille Saint-Jacques.

Comme la coquille qui depuis l’Antiquité est utilisée pour se protéger du mauvais sort, Éric Croes adjoint à sa sculpture totem des symboles de protection : un trèfle à quatre feuilles, une main sicilienne, une interprétation de la Bocca della Verità (Bouche de la Vérité) célèbre masque sculpté romain, le chiffre VIII – chiffre porte-bonheur en Chine, mais aussi chiffre fétiche de l’artiste. Des éléments plus personnels, tatouages, inscriptions, jalonnent également la sculpture – qui s’offre comme un récit sculptural surréaliste ancré dans le moment et le lieu.